Entretien 200% FID 2011

200%
Nicolas Boone et Olivier Bosson
JOURNAL FIDMARSEILLE 10 07 11
L’origine de votre projet ? Les conditions de production ?
– Nicolas et moi on se connaît depuis longtemps. On s’est retrouvés à plusieurs reprises dans les mêmes aventures : résidence, édition, diffusion, tournage etc.. Là, disons qu’on avait envie de faire à deux un film sur la banlieue. Un film dont les acteurs ne seraient pas filtrés par les effets sociologiques connus de la culture.
– Nous voulions travailler en « BANLIEUE », convaincus du terrain fertile, humain et politiquement grave.
– Pour ce qui est de la production, on a présente le projet à Anne Giffon du CAP de Saint-Fons, (banlieue sud de Lyon) qui a dit Banco ! sur les chapeaux de roue. Le film a donc été produit dans le cadre d’une résidence d’artistes.
– Un film « en résidence », ce qui sous-entend des moyens minimes, surtout beaucoup de bénévolat, une équipe technique réduite, (7 personnes), une dizaine de jours de tournage, le projet a duré en tout un peu plus d’un an.
– Oui, on a eu des conditions de production plutôt arts plastiques que cinéma. Mais compensées par plein d’aspects humains et notamment un soutien incomparable de l’équipe du Centre d’Art !
Incomparable !

C’est un film avec un grand “casting”. Le recrutement ? Vos choix ?

– Du coup oui, le casting, on s’est lancé dans un grand casting, on voulait avoir un maximum d’acteurs et d’actrices ! Faire une grande fresque de la banlieue ! C’est extraordinaire les castings, d’une densité
humaine, très chouette ! En plus, nous, on avait décidé de prendre tout le monde.
– La ville de Saint-Fons est composée de 3 quartiers, nous avons fait un casting dans chacun des quartiers pour toucher des types de population différents. A chaque casting, nous avons accueilli environ 100 personnes et nous avons pris systématiquement tout le monde ! Pour les plus habiles, les rôles principaux, les autres, figurants. En plus nous avons donné des ateliers « cinéma » dans les écoles du quartier des Clochettes ce qui nous a permis d’entrer en relation avec beaucoup d’enfants et de pénétrer vraiment le cœur d’un quartier. Pendant toute l’aventure (repérage, écriture et tour
nage), une réelle communauté s’est créée autour du projet.
– Et puis on a eu des super actrices et acteurs. C’est un avantage merveilleux des films par rapport à d’autres disciplines, on peut travailler avec presque tout le monde. Et ça marche ! C’est plus ouvert
que le lancer de javelot, ou la haute couture !

Pourquoi cette structure “marabout de ficelle” ?

– Cette structure narrative apportait la solution à 2 ou 300 de nos problèmes en même temps, dont voici trois exemples. Pour notre projet de grande fresque, il fallait qu’on puisse voir du pays, beaucoup de gens et de situations. Qui plus est, lorsqu’on réalise un film participatif avec des acteurs
bénévoles, c’est mieux de changer souvent de personnages, de multiplier des scènes courtes, la
participation au tournage est plus répartie, donc plus brève pour chacun, plus mesurée. Cette structure en culbuto permet de souligner le caractère très relatif de l’identité des personnages et des lieux. Les
gens sont toujours partagés entre une vie familiale et une vie avec des
amis, ou leur soeur, ou au travail, etc.. dans chaque cas, ils n’apparaissent pas de la même manière, ils n’agissent pas selon la même logique. D’autant qu’en banlieue habitent pas
mal de gens à double ou triple culture. La banlieue elle-même est un espace ambigu : d’un côté, on dirait la quintessence de l’urbain, c’est souvent de la construction récente, de la ville à l’américaine. Et
en même temps, c’est déjà la campagne ! Tout le monde connaît tout le monde, il y a de
la verdure, des arbres, des oiseaux, des armes.. Et enfin ce principe permet de faire de la fiction sans se taper le côté lourd qui consiste à suivre un seul récit (ce qui pour ma part aurait vite fait de me
décourager), il y a tellement et tellement de manières autres deconstruire des récits ! Le marabout de ficelle, c’est à la fois souple et costaud, comme de la chaîne de vélo.
– Pour écrire le scénario, nous avons arpenté le territoire de Saint-Fons avec un appareil photo entre la vallée de la chimie et différentes cités, et rencontré beaucoup d’habitants, ou d’acteurs « sociaux » ou
culturels. Chaque fois, des scènes nous apparaissaient, et le scénario « marabout » est un moyen de tout ficeler. Ici il nous fallait un scénario où l’on puisse mettre un maximum d’idées. Chacun da
ns notre expérience de faire des films, nous avons renoncé à raconter des histoires de manière classique, nous avons chacun expérimenté des formes différentes de déstructuration. Le marabout
était donc un aboutissement logique à notre désir de faire un « long métrage » ensemble.

Y-a-t-il une part d’improvisation ?

– Oui, bien sûr, mais elle n’a pas été déterminante
– Après les castings, nous avons organisé une série d’ateliers, où nous avons fait répéter le texte aux acteurs, testé différentes mises en scène, costumes, les accessoires…, pour gagner un maximum de
temps pendant le tournage.