TRANSBUP, un film d’anticipation

Une entreprise hyperpuissante, BUP, se promeut sans cesse par des slogans efficaces. Tout le monde travaille à son service, heureux de vivre dans un monde libre et sans problème. Rien n’échappe à BUP. Tout jusqu’aux mondes virtuels est sous son contrôle… Des gens disparaissent mystérieusement…

Artémis, une créatrice publicitaire, prend conscience de cette illusion de liberté. Elle essaie de faire de la subversion sur internet, et exprime sa révolte par son avatar dans les mondes virtuels, où elle rencontre deux avatars qui partagent sa cause, Minos, un ingénieur informatique et Tom, un fermier. Les autorités essaient de les arrêter, les poursuivant parallèlement dans les deux mondes, le réel et le virtuel.

BANDE ANNONCE

LE FILM

MACHINIMA TRANSBUP

BANDE ANNONCE BUP TOTAL / LE COFFRET

 

BUP TOTAL

article de Cyril Thomas paru dans Poptrnics’ :

« Transbup » : Nicolas Boone en état de transfiction
Un anti-machinima ? Pour clore la nouvelle édition de l’Atopic, festival des films machinimas (ces fictions réalisées à partir de moteurs de jeux vidéo), c’est Nicolas Boone et son « Transbup » déviant qui viendront surprendre les spectateurs à la Géode, lundi 20 décembre. Même ceux qu’il a habitués à ses dispositifs cinématographiques plus proches de la performance filmique. Avec « Transbup », sa toute dernière production, l’artiste clôt sa série de neufs courts métrages « Bup » autour des mondes virtuels qui mettaient en place un univers totalitaire. Chacune d’elles empruntent à de multiples références et citations, à l’instar du « Salò » de Pasolini dans « Château Pub ». Sauf dans « Meta Bup », film tourné dans Second Life dont poptronics vous a déjà parlé, Nicolas Boone met en place les composantes d’un décor « Bup » qui constitue l’arrière-plan de sa nouvelle réalisation.

Bien moins axé sur le gameplay et la parodie que « L’hotelaspecialplace » de Benjamin Nuel ou « Le Corso » de Bertrand Dezoteux, son nouveau film renoue avec la cinématographie de science-fiction. Pas de zombies ni de créatures effrayantes débarquant sur terre, il s’agit plutôt de décrire un monde contemporain dépolitisé, poli et sécuritaire. Oubliez également l’inspiration documentaire sociologique des productions d’Alain della Negra et de Kahori Kinoshita, car le propos de « Transbup » se situe résolument dans la fiction.

« Transbup » ou comment décrire l’avenir d’un monde soumis au diktat de « Bup », une entreprise qui contrôle à la fois les produits de consommation, les loisirs et l’histoire des êtres humains. « Bup »/« Pub », l’anagramme n’échappe à personne. Omnisciente, violente, totalitaire, l’entreprise « Bup » fait disparaître les opposants. Trois personnes, que rien ne prédispose à se rencontrer, vont s’unir pour tenter de s’opposer à l’emprise de cette pieuvre. Scénario classique d’opprimés qui s’insurgent, qui élaborent des plans d’attaque pour parasiter le système, pour ralentir la machine et découvrir où sont transportés les corps des disparus. Les trois héros (une jeune femme, cadre au sein d’une société de communication, un éleveur de chevaux et un ancien activiste revenu à une vie familiale tranquille), représentés également par leurs avatars, empruntent des chemins assez classiques.

Nicolas Boone n’interroge pas seulement les jeux virtuels traités comme une matière première susceptible d’être cinématographiée. Au contraire, il les intègre, les digère, les transforme sans céder aux critiques usuelles de ces sociétés virtuelles. Il renverse ainsi les idées reçues sur l’avatar, généralement perçu comme le double en creux d’une personne réelle. Et si les acteurs, êtres de chair et d’os, n’étaient en fait que les avatars de leurs doubles dans les mondes virtuels ? Et si l’acteur, son corps, sa chair, s’assimilaient à la pâle copie d’une réalité pré-formatée, presque archaïque et vaine, révélée par les mondes virtuels ? Renversez les termes de l’analyse, prenez le contre-pied des discours généralement tenus sur les mondes virtuels et vous obtenez « Transbup ».

Nicolas Boone se joue des codes du machinima ; il s’approprie les contraintes filmiques pour mieux les questionner et les mélange dans une fiction parcellaire où la faiblesse du jeu de certains acteurs s’oublie vite en raison des propos tenus par les avatars. Nous sommes loin en effet d’une superproduction riche en effets spéciaux : les composants des machinimas se développent dans l’espace même de la narration filmique, ils apparaissent dans presque chaque plan sous la forme d’un logo animé, de textes publicitaires défilants, de tables tactiles, etc. Ils n’accrochent pas l’œil, ils l’invitent.

« Transbup » joue avec la transposition, établit d’autres correspondances entre histoire et mémoire, entre résistance et militantisme. Le réalisateur intègre dans son récit des séquences filmées dans divers méta-univers (Second Life, Sims, etc.) mais il ne sépare jamais l’action filmée dans le réel de celle filmée dans ces autres univers. Les acteurs traversent les jeux et se retrouvent tour à tour sur un terrain de football, au cœur d’une chasse à l’homme ou dans un paysage idyllique.

Grâce à un jeu d’incrustation et d’entrecroisement (on suit autant l’acteur réel que son avatar), le spectateur ne bascule jamais, toujours pris entre deux réalités, entre deux mondes fictionnalisés. Chez Nicolas Boone, les mondes virtuels ne sont pas à proprement parler le sujet du film ; ils ne sont qu’un des éléments complémentaires qui composent la trame narrative, dont le véritable ressort n’est autre que la mémoire des luttes politiques, de l’action de résistance. Comment prendre le maquis dans les mondes virtuels… Le film ne respire pas la gaieté, bien au contraire. Malgré quelques pointes d’humour, il dresse un constat amer, très éloigné des entreprises de séduction liées à certains machinimas. Le spectateur comprend très vite que son émancipation comme son avenir ne peuvent se construire sans une relecture de Debord et de Rancière…

cyril thomas